L’Ecole souffre d’un mal appelé « conditions de travail »

Publié le par Nadine Lanneau

Texte de Nicole Delvolvé avec son aimable autorisation à publier

Cette réflexion est un cri d’alarme, une mise en garde : il y a urgence à comprendre les conditions de travail des élèves et à prendre en compte ce qui se passe à l’heure actuelle dans les situations scolaires concrètes.

Trop rares sont les publications qui traitent des causes profondes des obstacles auxquels se heurtent les enseignants et les personnels administratifs. Comme si le décrochage scolaire, les comportements de violence, les classes difficiles, étaient des maux aux causes irréversibles et donc, pour lesquels, seule une démarche curative permettrait de remédier.

Une évidence s’impose à tous ceux qui s’intéressent à l’école : il est urgent de prendre en compte les conditions de travail des élèves avant qu’il ne soit trop tard !

Qu’est-ce qui nous aveugle, nous les adultes, au point d’ignorer ce qu’ils vivent dans les établissements scolaires ? Comment, en oubliant les contraintes qu’ils supportent, pouvons-nous avoir l’ambition d’améliorer leur niveau scolaire, d’éviter qu’il y en ait en grande difficulté d’apprentissages, de comprendre les forces et les faiblesses de notre système, d’appréhender pourquoi ce système est injuste, d’analyser la place de la France par rapport aux pays économiquement comparables, de faire le diagnostic de la qualité d’un établissement, de comprendre pourquoi le redoublement est un dispositif rarement efficace mais trop souvent dommageable ?

Il est temps d’admettre qu’en améliorant les conditions de travail, chaque problème posé pourra être traité sinon résolu. Car il suffit d’aller dans les établissements pour faire le constat que les conditions de travail ont été oubliées. Les élèves ont des journées parfois de neuf heures de cours avec une pause d’une heure en milieu de journée. Et il leur est demandé d’être efficaces dans leur travail scolaire !

Les professeurs n’ont même pas une salle calme pour se retirer durant leur longue journée de travail. Même pas un espace ni un moment pour échanger leurs projets pédagogiques avec les collègues et les personnels techniques et administratifs. Le « vivre ensemble » est encore une utopie dans nombre d’établissements. Et la communauté s’étonne qu’ils ne restent pas motivés tout au long de leur carrière !

Les documentalistes sont contraints de fermer le CDI aux heures où les élèves pourraient y aller travailler. Et la société voudrait qu’ils s’investissent dans un travail alors qu’au quotidien ils en comprennent les failles sans pourvoir les gérer.

On ne peut que regretter qu’à l’heure actuelle, dans les établissements, les conditions de travail ne fassent pas partie des éléments à prendre en compte en premier quand, par exemple, l’aide aux élèves en difficulté est proposée. Quel gaspillage au niveau humain et financier ! Proposer une aide au travail scolaire à la fin d’une journée épuisante, génératrice d’un état de stress qui mange toutes les ressources pour travailler, et s’étonner que les performances scolaires des élèves concernés ne s’améliorent pas, c’est méconnaître les besoins des jeunes.

Proposer une aide au travail scolaire à des enfants de cycle 3 de l’école élémentaire à 8 heures le matin alors que leurs frères et soeurs restent tranquillement à la maison. Une violence de plus pour ces enfants-là qui ne tarderont pas à exprimer des comportements de violence vis-à-vis de cette Ecole qui les fait tant souffrir ! Pourtant cela pourrait être possible d’organiser leurs activités pour qu’en fin de journée ils soient encore disponibles pour apprendre sans engager aucun coût financier supplémentaire. Contrairement à certains choix onéreux et inefficaces, aménager leurs situations de travail permettrait – au moins en partie et sous certaines conditions – de palier le problème du décrochage scolaire.

Remarquons cependant que les initiatives en établissements, visant à donner aux élèves les meilleurs contextes pour réussir, sont nombreuses mais trop ponctuelles, trop « expérimentales », pour être comprises et généralisées.

Prendre en compte les réalités de travail de chacun, c’est accepter tout simplement de changer les représentations communes et partagées par toute la société sur l’école. C’est admettre qu’enseigner ce n’est pas uniquement transmettre des savoirs dans n’importe quelles conditions. C’est comprendre que l’élève a besoin que son contexte d’apprentissage soit réfléchi au regard des ambitions d’apprentissage qu’il est en droit d’avoir, comme les adultes qui l’entourent. Quelle illusion que de penser que tous les élèves pourraient apprendre quelles que soient les exigences dans lesquelles ils font leur travail d’élève ! Comment se fait-il que la compétence « ergonomique » soit absente quand un établissement décide d’aménager les temps, les espaces, les activités, en bref, l’ensemble des contraintes que vont devoir vivre les élèves et les adultes œuvrant dans la même structure ?


Cette réflexion s’appuie sur deux ouvrages publiés : « Mon enfant, cet élève. Le guide pour tous les parents », Ed. Milan, 2004

« Tous les élèves peuvent apprendre. Aspects psychologiques et ergonomiques des apprentissages scolaires », Ed. Hachette Education, 2005.


Texte publié sur ce site avec l’aimable autorisation de Nicole Delvolvé.

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